Compétents et performants
"Les jeunes autistes que nous accompagnons, ont pour la plupart entre 20 et 30 ans. Ils sont autistes dits sévères, souvent non verbaux ou non communicants, et considérés comme ayant un âge mental comparable à celui d’un enfant. Or ils sont capables de travailler et même très bien. Pourtant leurs parents ont fréquemment entendu qu’ils ne le pourraient jamais, parce qu’ils ne cochent pas les cases attendues par le monde du travail : avoir le bac, savoir se présenter, lire, écrire, communiquer… Cela nécessite de revoir un certain nombre de critères mais les entreprises sont stupéfaites par leurs compétences et leurs performances" remarque Yenny Gorce, directrice de l’association VETA (Vivre et travailler autrement). "Leur handicap est leur plus grande force. Sur certains postes, leur fonctionnement très spécifique, couplé avec un environnement adapté et un accompagnement personnalisé, fait d’eux des salariés très productifs. Les stratégies qu’ils mettent en place pour compenser leur besoin de prévisibilité, de ritualisation, de rigueur, d’un cadre clair et précis, leur permettent d’effectuer des tâches simples et répétitives avec beaucoup plus de facilité et de satisfaction que d’autres salariés." Leurs qualités sont particulièrement appréciées des employeurs : motivation, sérieux, régularité et fiabilité dans la qualité de leur travail, goût pour les tâches répétitives, précision, concentration, perfectionnisme, fidélité, respect des règles et des consignes…
Étudier la faisabilité
Créée fin 2014 dans une usine du groupe Andros, VETA est une association qui fonctionne comme une sorte de franchise sociale, qui met à la disposition d’entreprises, d’acteurs publics et médico-sociaux, une méthode et des outils au bénéfice de l’insertion d’adultes autistes.
VETA est sollicitée par de grandes entreprises telles qu’Andros, L’Oréal, Servair, Guerlain, qui manifestent leur intérêt pour l’inclusion d’un groupe d’une dizaine d’adultes autistes sur un site industriel. "Notre rôle est d’identifier les financeurs publics (Conseil départemental, ARS (Agence régionale de santé)), les différents acteurs médico-sociaux (foyers de vie, établissements et services d’aide par le travail, associations) qui deviendront à terme les porteurs de projets, et mettront des salariés à disposition pour accompagner dans l’emploi et l’hébergement les jeunes autistes. Nous nous assurons que la méthodologie est respectée et supervisons le projet."
Pendant deux à six mois, VETA intervient dans et avec l’entreprise et réalise une étude sur la faisabilité d’accueil d’un groupe d’adultes autistes à mi-temps : postes adaptables, compétences attendues... "La réussite dépend plus de l’accompagnement médico-social et de l’aménagement de l’environnement que de la personne autiste elle-même" précise Yenny.
Formation en situation et accompagnement global
Puis, les structures médico-sociales vont chercher en leur sein ou à l’extérieur des usagers correspondant aux profils recherchés, en capacité de travailler en fonction des compétences demandées. Les dossiers sont évalués lors de commissions auxquelles participent les différentes parties prenantes et présentés à l’entreprise qui les valide.
Aux personnes autistes retenues est proposé un emploi à mi-temps tous les matins du lundi au vendredi avec une période d’essai de 6 mois, qui peut aller jusqu’à un an, avant la signature d’un CDI. L’entreprise ne finance que les salaires. Elles sont formées à leur poste avec un accompagnement adapté de façon personnalisée : séquençage des tâches, supports visuels, marquages… Aujourd’hui ils sont 25 : 22 hommes et 3 femmes.
La prise en charge est globale, avec un habitat ouvert durant la semaine ou à plein temps (week-end et vacances compris) pour ceux qui le souhaitent ou en ont besoin. Tous bénéficient d’un accompagnement personnalisé les après-midis de la semaine dans les actes de la vie quotidienne : cuisine, courses, ménage, budget… et des activités variées de loisirs, de détente ou d’apprentissage, pour leur permettre de progresser et de gagner en autonomie.
"Nous sommes en plein déploiement : une dizaine d’entreprises sont en attente de démarrage", conclut Yenny Gorce. "Car au-delà des grands groupes, beaucoup de petites entreprises nous sollicitent et nous devons repenser le projet sous une autre forme avec des entreprises qui s’engageraient collectivement."