CAP, bac pro, BTS, master… ces diplômes assurent une bonne insertion. C’est d’ailleurs leur vocation. Ils n’enferment pas à vie dans un métier et permettent, si on le souhaite, de poursuivre ses études.
Voie pro mal aimée
En 2013, 13 % des élèves sortis du système éducatif avaient un baccalauréat général en poche, soit un diplôme d’entrée dans l’enseignement supérieur, et non un diplôme d’entrée sur le marché du travail. Donc, peu de chances de trouver un emploi, à la différence d’un diplômé de bac professionnel, surtout dans une spécialité formant à un métier. Ainsi, alors que le taux de chômage 3 ans après la sortie du système éducatif est en moyenne de 19 % pour les bacheliers de filières générales, il est de 16 % pour ceux qui ont un bac professionnel industriel.
La voie professionnelle de l’enseignement secondaire reste encore souvent perçue comme une voie de relégation par les familles, qui préfèrent orienter leurs enfants vers la voie générale. Le bac professionnel permet pourtant d’acquérir les savoirs généraux qui sont indispensables sur le marché du travail, sans fermer la porte à la poursuite d’études.
Bac pro : objectif emploi
Depuis plusieurs décennies, pour limiter le chômage, les politiques éducatives cherchent à mieux adapter les formations aux réalités du marché du travail. Ainsi, la création des bacs professionnels il y a 35 ans a permis d’atteindre l’objectif national de 80 % d’une classe d’âge au niveau bac ! Ce cursus est venu compléter les CAP-BEP, voire s’y substituer largement dans certains métiers. De même, les licences professionnelles ont été créées dans les années 1990 à l’université pour compléter les BTS et DUT. D’ailleurs, leurs diplômés ont un taux de chômage 3 ans après leur entrée sur le marché du travail parmi les plus bas au sein de la "génération 2013" : 9 %, contre 20 % en moyenne pour l’ensemble de ces jeunes.
L’extension de l’apprentissage à l’enseignement supérieur participe de la même logique. Et la rénovation du bac professionnel en 2009, qui s’effectue dorénavant en 3 ans (contre 4 auparavant), a aligné ce cursus sur les bacs généraux et technologiques. La transformation de la voie professionnelle mise en place depuis la rentrée 2019 va également dans ce sens.
Apprendre à apprendre
Les formations "ciblées" – comme un CAP (cuisine, couvreur, etc.) obtenu en apprentissage, un diplôme de niveau bac + 3 en santé-social (diplôme d’État d’infirmier), une licence professionnelle ou encore un diplôme d’école d’ingénieurs – permettent d’accéder plus facilement à l’emploi. Et pour cause : ces cursus sont conçus en relation avec les branches professionnelles (représentant les entreprises d’un secteur donné) pour garantir une insertion aisée.
Celles et ceux qui occupent le plus souvent les emplois pour lesquels ils ont été formés sont majoritairement des diplômés de l’enseignement supérieur : des diplômes de niveau bac + 2 (BTS, DUT) ou bac + 3 (licence professionnelle), ou bien encore les masters de niveau bac + 5. Et l’adéquation est très forte dans les domaines de la santé, de l’esthétique, du transport, de la finance et de l’informatique… Bref, des secteurs très porteurs ! De surcroît, " l’adéquation entre spécialité de formation et métier a souvent un impact positif sur le salaire", précise Thomas Couppié, responsable du département entrées et évolutions dans la vie active au Céreq.
Mais attention, l’adéquation parfaite entre emploi et formation n’existe pas ! En pratique, l’orientation choisie au lycée ou à l’université ne vous enferme pas à vie dans un métier. L’exemple de Vincent (lire ci-après) l’illustre à merveille. De nombreuses possibilités vous restent ouvertes, dès lors que vous maîtrisez un certain nombre de compétences et avez "appris à apprendre".
Témoignage d'un jeune pro : "De mécanicien à designer"
Vincent Reverte, 32 ans, designer industriel
Mon parcours. En 2de, Vincent intègre le lycée privé d’Airbus pour devenir mécanicien. Après avoir travaillé 5 ans pour cette société, il achète une petite entreprise de traiteur itinérant, puis entame des études de droit avant de rejoindre les Compagnons du Devoir pour une formation de menuisier en alternance. Employé chez un artisan, il passe son CAP. Menuisier, on peut l’être dans une entreprise industrielle, mais aussi dans l’artisanat, la restauration de monuments historiques…
En 2015, Vincent intègre un bureau d’études spécialisé dans l’agencement, où il conçoit des panneaux dérivés du bois pour des visuels dans le domaine du luxe. Puis il crée sa propre agence d’aménagement intérieur, avant d’être recruté par les Compagnons du Devoir pour créer une formation post-bac. Il est désormais designer industriel pour une entreprise de marbrerie où il s’occupe de créer de nouveaux matériaux composites et écoresponsables.
Mon quotidien. "Je voulais collaborer avec des architectes d’intérieur et des designers de luxe." Aujourd’hui, son métier peut sembler loin de la menuiserie, puisqu’il fait des modèles en 3D et applique des algorithmes pour renforcer les matériaux. Ses innovations sont ensuite brevetées. Mais il travaille aussi la matière : "Les compositions de minéraux sont renforcées par des fibres et nous tentons d’optimiser les formes", explique-t-il. Surtout, il remarque une ressemblance entre le marbre et le bois : "On déplie la matière pour créer un beau motif."
Mes atouts. Vincent garde un très bon souvenir de sa formation au sein des Compagnons du Devoir. Ainsi, une fois diplômés, les Compagnons font un tour de France… ou plutôt d’Europe pendant 5 ans. Logés, ils suivent des cours en soirée et le samedi. "C’est une belle expérience, humaine et professionnelle. Je suis allé à Édimbourg, à Bruxelles, à Strasbourg, en Bretagne… J’ai travaillé plusieurs bois et connu diverses organisations. J’ai eu beaucoup de propositions d’emploi". Il a pu travailler dans le luxe, comme il le souhaitait, puis diriger sa propre entreprise durant quelque temps.
Désormais, il est heureux d’apporter sa pierre à de nouvelles techniques : "Aujourd’hui, toute innovation se doit d’être éco-conçue". En cela, il a le sentiment de respecter le principe du compagnonnage puisqu’il s’appuie sur les technologies d’autrefois pour en inventer de nouvelles, en ayant toujours en tête "d’être au service de l’humain".
Les exemples anglais et allemand
Au Royaume-Uni, "on considère que le métier s’apprend chez l’employeur, une fois arrivé sur le marché du travail", explique le chercheur Nicolas Charles. Les universités anglaises s’efforcent surtout de dispenser des compétences très générales permettant de devenir employable dans une grande variété de postes. En Allemagne, où les formations sont plus étroitement construites en lien avec le monde professionnel, notamment grâce à un recours plus général à l’apprentissage, l’adéquation entre formation et emploi est plus forte.
Réforme du Lycée professionnel
Cette réforme est appliquée depuis la rentrée 2019 pour les classes de 2de où les élèves ne sont plus orientés immédiatement vers des métiers précis mais rassemblés par branches d’activité, la spécialisation ne se faisant qu’ensuite en 1re et terminale. En terminale, les élèves devront choisir entre un module les préparant à une poursuite d’études et un autre leur permettant d’entrer directement sur le marché du travail. Les lycées professionnels devraient également accueillir de façon indifférenciée dans leurs classes des élèves en apprentissage et d’autres en parcours scolaire classique.
Depuis 2014, le label Campus des métiers et des qualifications permet d’identifier des formations d’excellence correspondant à des secteurs d’activités répondant à des besoins et des enjeux nationaux ou régionaux importants. Elles sont désormais près d’une centaine.