Les "nouveaux" métiers font régulièrement la une des magazines. Pourtant, ceux de demain seront en grande partie ceux d’aujourd’hui… Est-ce à dire que rien ne change ? Pas du tout ! Explication d’un paradoxe.
Pourquoi travaillons-nous ?
D’abord, pour satisfaire nos besoins en produisant de quoi se nourrir, se loger, s’habiller, se déplacer, vivre en sécurité, être éduqué, soigné, accéder à la culture et aux loisirs… Et, s’il nous faut occuper un emploi pour gagner notre vie, travailler fait sens parce que c’est aussi contribuer à produire les biens et les services nécessaires pour satisfaire ces besoins. Et, comme ceux-ci devraient demeurer globalement les mêmes, les métiers de demain ne seront pas si différents de ceux d’aujourd’hui : on aura encore besoin d’agriculteurs, de chercheurs, d’électriciens, de plombiers, de comptables, de vendeurs, de médecins, d’enseignants, d’avocats, d’assistants maternels, de policiers ou encore de maçons…
Des changements en profondeur
Est-ce à dire que rien ne change ? Évidemment non ! On comptait plus de 30 % d’agriculteurs au sein de la population active française il y a 70 ans. Ils ne sont désormais plus que 400 000. De même, le poids des ouvriers a fortement régressé : ils ne représentent plus que un emploi sur cinq, contre près de 40 % de l’emploi il y a 50 ans. Une baisse qui s’explique d’abord par celle du nombre d’ouvriers de faible niveau de qualification. On compte néanmoins encore 5,5 millions d’ouvriers dans l’industrie, mais aussi dans la construction, les transports ou l’artisanat.
À l’inverse, le nombre de cadres supérieurs dans les entreprises et les administrations (gestionnaires, ingénieurs, informaticiens, commerciaux…) a plus que doublé au cours des 30 dernières années, pour atteindre désormais 5 millions. Et leur part dans l’emploi devrait continuer à croître. Les employés, du fait du développement des services, sont aussi plus nombreux puisqu’on en compte 7,5 millions. Même constat pour les professions intermédiaires des entreprises, des administrations ou du secteur de la santé et du social (techniciens, commerciaux, comptables, infirmières…), qui sont désormais 7 millions.
Les transformations de l’économie ont en effet conduit entreprises et administrations à recruter un personnel de plus en plus qualifié, à tous les niveaux. Cette évolution s’est logiquement accompagnée d’une élévation spectaculaire du niveau de formation initiale de la population active, afin de répondre aux besoins des employeurs : il y a 50 ans, les trois quarts des actifs n’avaient aucun diplôme, hormis le certificat d’études primaires. Aujourd’hui, seul un actif sur dix est dans ce cas et plus d’un tiers des emplois sont occupés par des diplômés de l’enseignement supérieur. Une tendance qui va se confirmer.
Plus de profs que d'informaticiens
Derrière ces grandes transformations, il y a évidemment de multiples emplois qui se créent, tandis que d’autres disparaissent. Pour autant, ce n’est pas parce que moins de gens exercent un emploi que celui-ci ferme ses portes aux jeunes : le nombre d’agriculteurs a fortement régressé, mais chaque année des milliers de jeunes embrassent encore cette profession. Idem pour de multiples emplois ouvriers : même si leur nombre décline, les entreprises continuent à embaucher de nombreux chaudronniers, usineurs, soudeurs et carreleurs pour remplacer les personnes parties à la retraite.
Au final, si les métiers en expansion offrent beaucoup de débouchés (ingénieurs et techniciens en informatique, notamment), on compte parfois plus de postes à pourvoir dans certaines professions dont les effectifs totaux sont relativement stables, en raison d’un grand nombre de personnes à remplacer. C’est le cas des enseignants aujourd’hui ou, à un tout autre niveau de qualification, des agents d’entretien. Au total, près de 700 000 personnes partent à la retraite chaque année, de quoi libérer de nombreux postes, y compris dans des métiers dont les effectifs diminuent.
Avis d'expert : "Des recrutements liés aux départs en retraite".
Alexis Eidelman, chef du département analyse des métiers de la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques).
Quels seront les métiers créateurs d'emplois en 2030, en particulier pour les débutants ?
Certains métiers vont continuer leur croissance récente dans les prochaines années. La plus significative concerne les ingénieurs en informatique, pour lesquels on anticipe une croissance d’un quart de l’effectif en 10 ans mais elle existe également pour les cadres du bâtiment et les professionnels du droit (+ 25 %) et, dans une moindre mesure, pour les infirmiers, les sages-femmes et les aides à domicile. Autres métiers où les créations d’emplois sont en croissance : les professionnels de la communication ou les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment (+ 15 %).
Quel sera l’effet des départs en retraite ?
La création d’emplois n’est pas le seul élément à prendre en compte. En effet, plus de 80 % des besoins de recrutement découlent des fins de carrière. Et il y a de fortes différences entre métiers ! Par exemple, un ingénieur en informatique sur six terminera sa carrière entre 2020 et 2030, contre un ouvrier de la mécanique sur trois. D’ici 2030, il y a des incertitudes sur la croissance de l’économie, sur l’effet de la transition énergétique ou sur l’automatisation de certains métiers. Mais on voit apparaître des déséquilibres potentiels entre les postes qui vont être vacants et les débutants susceptibles de les occuper.
Ainsi, chez les techniciens et cadres de la banque et de l’assurance ou encore les professions paramédicales, les postes vacants seront facilement pourvus. À l’inverse, il y aura une facilité d’insertion pour les techniciens et les agents de maîtrise de l’électricité et de l’électronique, les ouvriers du bois et de l’ameublement, les employés de maison et les aides à domicile ou encore pour les cadres de la logistique et du transport.