Sculpteur / Sculptrice ornemaniste
sur pierre

Je m'appelle Danaé Leblond-Joris. Je suis sculptrice sur pierre. J'ai 24 ans et je travaille depuis un an sur le chantier de Notre-Dame de Paris. Le sculpteur ou la sculptrice, il intervient quand la pierre est trop détériorée ou est manquante. Le gros du métier, c'est refaire à neuf en pierre la sculpture. Des chimères, des gargouilles, des personnages religieux ou des saints. La première étape, je pense que ça va être de bien observer les vestiges. Je vais aller chercher, notamment sur le chantier, les éléments qui sont similaires. Repérer s’il y a des traces d'outils, pour essayer de comprendre comment est-ce-que la pierre a été sculptée. Ensuite, on va se documenter, on va chercher dans les archives, des dessins, on en parle aux architectes. Viollet-le-Duc c'est notre gros point de départ. À partir de ça, on peut faire des croquis. Et puis ensuite on effectue le modelage. Un prototype sur lequel on va s'appuyer pour réaliser la sculpture en pierre. Ici, on a coupé la tête d'une petite chimère qui était trop abîmée et donc on remplace cette partie du vestige par une pierre neuve qu'on va coller et resculpter. Je vais faire des grands retraits de matière, et ensuite tracer des lignes, des courbes, des volumes. Les noirs sont les creux qu'on fait dans la sculpture pour marquer des ombres. Je travaille plutôt au marteau pneumatique, mais ça arrive pour de la pierre tendre ou de la finition que je travaille avec des outils à main. Surtout pour une chose toute petite, comme je suis en train de faire. C'est important d'y aller doucement et de ne pas infliger à la pierre des vibrations trop fortes qui pourraient la fragiliser. La caisse à outils, c'est le prolongement de la main. C'est très très personnel, presque intime. Il arrive aussi qu'on utilise des scanners 3D pour faire des impressions grandeur nature des modèles que l’on va répliquer. J'ai fait une année d'histoire de l'art et archéologie à la fac, à Paris. Puis je suis partie trois ans en Italie faire une licence aux Beaux-Arts à Florence, en sculpture. Et après quand je suis revenue en France, j'ai fait des stages en taille de pierre et sculpture. Dans l’entreprise, il y a un sculpteur référent qui est devenu mon mentor. C'est lui qui me montre les pas à suivre dans le métier. Quand j'ai des doutes, je me réfère à lui. Je suis en contact aussi avec les architectes du patrimoine. Ça arrive que je leur fasse des propositions de modelage. J'étais un peu intimidée dans mon coin au début, mais à force de les côtoyer, du coup, c'est formateur. C’est important d'être curieux et d'être observateur. De regarder autour de soi, même quand on se promène dans la rue. J'aime la délicatesse qu'il faut pour réaliser certaines choses et en même temps, l'investissement que ça demande. C'est pas seulement les bras qui travaillent, c'est tout le corps qui doit bouger autour de la matière et s'engager. Ça demande une concentration qui est constante. Il faut avoir assez confiance en soi pour retirer de la matière, sachant qu'on ne pourra pas revenir en arrière, et en même temps, il faut être humble pour ne pas foncer, tête baissée, dans une grosse erreur. C’est un peu marcher sur des oeufs. La pierre, c'est une matière vivante, qui est fascinante, qui se transforme en fonction de la lumière, du moment de la journée. Qui est dure mais on peut en faire tellement de choses merveilleuses. J'aime ça et puis j'adore l'art. En atelier, on intervient sur toutes les pierres qui sont déposées. Ça arrive aussi qu'on sculpte directement sur le chantier. Je travaille sur le monument historique, mais je travaille aussi pour des particuliers en France et un petit peu à l'étranger. En recopiant quelque chose, on essaie d’être très fidèle, mais on n'est pas non plus des machines. Inévitablement, je mets un petit peu de moi dans mes sculptures. J’espère.