Situation de handicap : témoignages de professionnels

Christophe Debard, ingénieur
système inspiré et inspirant

Date de publication : 9 mai 2023

À 13 ans, Christophe Debard a été amputé de la jambe. En se dotant d'un optimisme infaillible, il a surmonté cela et a donné du sens à ses activités. Devenu ingénieur, il a créé bénévolement Humanity Lab pour tenter de répondre à de grands enjeux sociétaux et améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap.

Image d'illustration, crédit photo ci-après

Devenu ingénieur, Christophe Debard a créé Humanity Lab pour améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap.

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous nommez le principe des "petits pas" ?

Après ma maladie et l'amputation de ma jambe, si j'ai choisi de transformer ma peur et ma culpabilité en optimisme et en résilience, c'était d’abord pour réconforter ma mère et faire bonne figure. Grâce à cela, j'ai compris la chance que l’on a d’être en bonne santé, j'ai pu voir les choses positives et j'ai pu percevoir l’intérêt de l’altruisme. Cela a été une expérience très formatrice : je me dis que c'est une aubaine d'être encore vivant et j’ai appris des choses qui me servent dans ma vie personnelle comme professionnelle. Mais ce que je retiens surtout de cette période est l’importance de vivre dans l’instant présent et le principe des "petits pas" : c’est par la patience, le travail et l’acceptation d’un temps nécessaire que j'ai pu remonter sur mes jambes, marcher, gravir des escaliers puis courir. Comme dans la vie.

Quelle est l'histoire derrière la création de Humanity Lab ?

J'ai très tôt décidé de transformer l’adversité en une opportunité et de faire de ma faiblesse une réelle force. J'avais souffert du regard des autres et j'allais donc tenter de transformer cela. J'avais trouvé le sens que je voulais donner à ma vie : aider les autres. Le ProtoSpace d’Airbus, le centre de prototypage de la société dans laquelle je travaille en tant qu'ingénieur, allait m’appuyer. Encouragé par une rencontre déterminante, j'ai créé des prothèses qui allaient faire évoluer le regard des gens sur ce dispositif médical. 
Pour cela, il a fallu me former, demander un peu d’aide. Le résultat a dépassé mes attentes : en moins de 6 mois, on a fabriqué sur notre temps libre une prothèse avec de la peinture électroluminescente, qui la rendait plus "cool". Au-delà du regard des personnes autour de moi, j'ai surtout pu parler du handicap. Pour moi qui n’aimais pas m'exprimer en public, cela a été très formateur : j’ai progressé jusqu’à faire une conférence TEDx (à retrouver en cliquant ici). Quand j’ai vu la joie des personnes de participer à ce projet, je me suis dit qu’il fallait continuer. 
En 2018, j’ai pris la tête du ProtoSpace. La même année, Humanity Lab naissait, avec comme objectif de fédérer les gens autour de questions sociétales et de recouvrir les domaines de l’environnement, de l’éducation, du handicap, de la santé, de l’humanitaire. De là sont nés différents projets bénévoles : création d’une prothèse de bras pour une petite fille, d’une éolienne pour une école en Colombie, d’un fauteuil roulant pour un athlète de para badminton, ou encore mise au point de lames de course moins onéreuses, contenant des chutes de carbone issues de l’industrie aéronautique. Penser que les choses sont impossibles, c’est ne pas faire confiance à la passion des gens !

Quel a été votre parcours scolaire puis professionnel ?

Après mon cancer et mon opération, j'ai suivi quelques mois d’école à distance. J'ai ensuite repris ma scolarité et obtenu un bac scientifique puis un bac + 2 en informatique, même si mon cœur balançait davantage vers les métiers artistiques, comme l’infographie. J’ai choisi la facilité et n’ai pas fait l’effort d’aller chercher les écoles. Je suis donc allé dans une école d’informatique enseignant un peu d’infographie pour ensuite intégrer le monde professionnel à l'âge de 20 ans. Après des sociétés de services à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) puis d'aéronautique, chez Airbus Helicopter, en programmation, puis chez Dassault Aviation, sur les essais en vol, j'ai trouvé ma passion et en 2012, j'ai intégré Airbus sur la partie système maintenance de l'A350, en tant qu’ingénieur.

Quel message souhaitez-vous transmettre ?

Ma définition du succès et de la réussite serait : "Ne pas avoir plein de choses, mais être fier de ce qu’on fait chaque jour." Aujourd'hui, ma seule ambition est d’améliorer le quotidien des gens, pour cela, je suis aidé par de nombreux bénévoles. J'ai vraiment trouvé ce qui fait sens pour moi. Trouver sa passion et la développer demande des efforts. Il convient de s'exposer à beaucoup de choses, d’être curieux. Une fois qu'on l'a identifiée, il faut tenter sa chance et ne pas avoir de regrets. Si je n’avais pas fourni d’efforts en plus de mon travail, je n’aurais jamais été là où je suis actuellement. Le savoir, lui, s’acquiert. Les croyances limitantes du type "je n’ai pas fait les bonnes études" doivent être écartées, tout en essayant de choisir le bon chemin. Petits pas après petits pas, en tenant bon et en saisissant des opportunités, on peut développer des choses extraordinaires.