Situation de handicap : témoignages de professionnels

Théo Curin, nageur handisport
aux multiples facettes

Date de publication : 9 juin 2023

À cause d'une méningite contractée à l'âge de 6 ans, Théo a perdu ses quatre membres. Cela ne l’a pas empêché de devenir un nageur handisport de haut niveau et un auto-entrepreneur aux multiples facettes : conférencier, animateur, chroniqueur, mannequin et acteur. Il nous raconte son parcours et nous présente ses activités, avec le sourire.

Image d'illustration, crédit photo ci-après

Théo Curin : " On a tous quelque chose d'inspirant."

Quel a été votre parcours scolaire et sportif ?

J'ai dû redoubler le CP après ma maladie et les amputations de mes membres. Je n'ai retrouvé les bancs de l’école qu'en CE1. Plus tard, je me suis tourné vers un bac ST2S, passé en 2 ans pour pouvoir mener en parallèle ma carrière d’athlète de haut niveau. Phobique de l’eau au début, j'étais un peu comme "un cachalot échoué sur la plage" (Rires.). En plus de mes capacités physiques et mentales, ma rencontre avec Philippe Croizon, un autre nageur quadri-amputé, a été déterminante. J'ai acquis le goût de l’eau, du sport et de l’effort en gommant ma différence : j’ai les mêmes sensations que les valides, je me déplace et je flotte comme eux. Premiers cours individuels puis collectifs, premières compétitions... J'ai ensuite enchaîné les performances – championnats du monde, Jeux paralympiques, Half Ironman –, et les défis extrêmes : la traversée du lac Titicaca et la Santa Fe-Coronda, un marathon aquatique de 57 km. Cela a attiré l’œil des médias, de marques et du grand public. Depuis, tout s’est accéléré.

Pouvez-vous nous présenter vos autres activités ?

Après mon bac, j'ai préféré apprendre de manière autodidacte plutôt que de poursuivre des études. Parce que pour moi, l’école de la vie est une des meilleures. Les personnes avec qui je travaille le savent et m’épaulent. C’est passionnant pour moi et gratifiant pour eux de transmettre leur savoir-faire. Aujourd’hui, je vis de mes multiples passions. Je ne saurais pas dire quel est vraiment mon métier car j’ai différentes casquettes :  je fais des conférences, des chroniques radio et télé, je suis acteur débutant, ambassadeur de marques... Je mène des missions sur des événements, comme récemment, l’animation de la cérémonie d’ouverture des Abilympics, des olympiades des métiers qui promeuvent les compétences professionnelles et s'adressent aussi aux personnes en situation de handicap.

Quel message souhaitez-vous transmettre ?

Il faut faire de sa différence une force ! C'est bien que mon histoire1 touche les gens, qu'elle les pousse à se remettre en question, mais sans donner de leçon. Il peut vous arriver n’importe quoi, on a tous la capacité de rebondir. Si j’ai réussi, vous aussi. Je ne suis pas un super-héros : quand tu n’as pas le choix, tu te bats et tu trouves des ressources insoupçonnées en toi. Bien sûr, je rends hommage à tous ceux et celles qui m’ont accompagné : parents, sœur, grands-parents, amis, infirmière, aide-soignant, entraîneur... Car ma traversée n’a pas été solitaire, elle s'est nourrie de ces rencontres et de moments de vie tout simples : un aller-retour en balançoire, un baiser à l’école, des pâtes à la bolognaise ! (Rires.) Il y a un milliard de choses à vivre. Comme tout le monde, parfois cela ne va pas et mon handicap peut vraiment m’énerver : douleur, inconfort…. Et puis il y a les exigences du sport de haut niveau : préparation, stress d’avant compétition... En s’entourant de ses proches, en croyant très fort en ses projets et en ses rêves, on peut surmonter les difficultés et atteindre de grandes victoires, sur soi, sur la maladie et sur le monde.

Trouvez-vous la société actuelle suffisamment inclusive ?

Je trouve que les mentalités évoluent, que les choses sont en train de changer, même si le handicap est un sujet délicat et qu’il reste encore beaucoup de préjugés. Mais la question de la différence au sens large est davantage évoquée aujourd’hui. On le voit dans les domaines du sport, du monde professionnel, de l'orientation sexuelle... On est sur la bonne voie !

Avez-vous des modèles ?

Mon modèle, c'est mon grand-père ou encore les gens qui travaillent très dur et se sacrifient pour nourrir leurs enfants. On me cite souvent Mike Horn ou Thomas Pesquet, mais regardez autour de vous ! Il y a beaucoup plus de gens inspirants qu’on ne l’imagine. Un jour, un chauffeur de taxi parisien me racontait qu’il cumulait trois boulots pour s’occuper de ses enfants et de sa femme malade... Ça, c’est courageux !

Et demain ?

J'ai conscience que tout est éphémère, alors je savoure ce que j'ai aujourd’hui. Je veux poursuivre mes projets et mes défis, progresser, petit à petit, pour atteindre mes objectifs, continuer mon chemin en touchant un peu à tout. Si cela devait s’arrêter, je me tournerais vers d'autres projets et, éventuellement, je reprendrais des études.

1. Découvrez l'autobiographie de Théo Curin : La chance de ma vie. J’ai fait de ma différence une force, Flammarion, mars 2022.

Palmarès sportif

À 13 ans, Théo Curin participe à ses premiers Championnats de France de natation, à 16 ans, en 2016, aux Jeux paralympiques de Rio. Aux Championnats du monde de 2017 et 2019, il est double médaillé d’argent sur le 100 m et le 200 m nage libre et en 2019, il remporte le bronze sur le 200 m nage libre. En 2020, il devient finisher du Half Ironman des Sables-d’Olonne (Vendée), devenant ainsi le premier athlète quadri-amputé à terminer cette course. En 2021, c’est avec deux autres nageurs, Malia Metella et Matthieu Witvoet, qu’il se lance dans la traversée du lac Titicaca à la nage, en totale autonomie, dans une eau à 12° C, à 3 800 m d’altitude. Un an plus tard, il est le premier athlète handisport à effectuer le marathon de Coronda, en Argentine (57 km), l'un des trois marathons aquatiques les plus difficiles au monde.